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Contrat de mariage parfaitement inutile



Cocu deux fois !

Ce titre un rien provocateur traduit pourtant parfaitement le sentiment profond ressenti par de nombreuses personnes qui se croyaient protégées par un contrat de mariage de séparation de biens et qui s’aperçoivent qu’au moment de la dissolution du mariage et de la liquidation du régime matrimonial, ils sont très peu protégés.
 
Chacun pourtant se souvient de ce que le notaire, auteur de leur contrat de mariage, leur a exposé il y a 5, 10 ou 25 ans : « ce qui est au nom de Madame est à Madame, ce qui est au nom de Monsieur est à Monsieur ». 
 
Le notaire ajoutait encore très souvent : « il faut toutefois avoir les documents prouvant votre propriété : titre de propriété, factures, … ».
 
Ainsi, celui qui était propriétaire d’un immeuble à son nom ou d’un immeuble construit sur le terrain qui lui appartenait, car acquis avant le mariage ou reçu de ses parents, se pensait être à l’abri de toute revendication en cas de séparation avec son épouse ou son époux.
 
CECI N’EST PLUS VRAI.
 
Au nom de l’équité, certains auteurs suivis par certains notaires et magistrats arrivent à « surprendre totalement » ceux qui se croyaient à l’abri, car ayant signé un contrat de mariage, de revendications financières importantes au moment de la dissolution du mariage.
 
Les exemples vécus sont nombreux et on retiendra à titre exemplatif celui-ci : Monsieur R a épousé avec un contrat de mariage de séparation de biens Madame S.  Madame S a très occasionnellement travaillé à mi-temps durant toute sa carrière et Monsieur gagnait sa vie en travaillant et a payé la totalité du prêt hypothécaire, puisque c’était pour un immeuble acquis à son seul nom.

Madame n’a jamais critiqué, puisque c’est Monsieur qui avait, avant le mariage, le terrain et que le prêt hypothécaire qui a permis de financer la construction a été payé par Monsieur seul, ainsi que les précomptes immobiliers et les assurances pendant toute la durée du mariage, soit pendant 30 ans.

Madame quitte Monsieur pour s’installer avec un nouveau partenaire… d’où le titre de cet article.
Madame réclame devant le Tribunal des sommes importantes à Monsieur au motif que celui-ci s’est enrichi sur son compte pendant toute la durée du mariage en remboursant le prêt hypothécaire qui lui a permis d’acquérir un immeuble alors qu’elle n’a rien.

Monsieur aura beau argumenter devant le Tribunal qu’il s’agit d’un immeuble propre, qu’il est le seul à avoir payé les mensualités et tous les frais relatifs à l’immeuble et qu’en toute hypothèse, le couple aurait dû trouver un logement, si ce n’est dans la maison de Monsieur pour laquelle un prêt était payé ou chez un autre propriétaire, où le couple aurait tout de même supporté un loyer.
 
Le Tribunal estime au nom de l’équité que ce n’est pas normal que Madame se retrouve sans rien après 30 ans et que Monsieur puisse conserver l’immeuble sans indemniser Madame.

Par de savants calculs, le Tribunal estime que si les parties avaient acheté ensemble le bien au début de leur mariage, chacun aurait contribué durant le mariage aux charges du ménage selon ses facultés, comme le prévoit la loi, et notamment par le remboursement hypothécaire.

Le Tribunal estime dès lors que Madame a une créance, car Monsieur « s’est enrichi sans cause »…
La créance de Madame est réactualisée par de savants calculs faits par le Tribunal et Monsieur, après 30 ans à avoir travaillé seul dans le ménage et payé seul son immeuble, doit reverser à Madame le quart de la valeur de l’immeuble !!!
 
Devant cette jurisprudence et cette doctrine, qui remettent bien des principes en cause et créent une instabilité de plus en plus grande, il faut s’informer… non pas quand on divorce, mais au moment où on fait des achats immobiliers et au moment où on se marie… et même quand on divorce, … il n’est jamais trop tard.
 
Les personnes non mariées vivant en cohabitation légale ou même en simple cohabitation ne se croient pas à l’abri de telles mauvaises surprises.
La prétendue équité, quelles que soient les conventions signées par les parties, ne distingue pas entre mariés, non mariés ou cohabitants légaux.
 
 
Maître Vincent TROXQUET
Pour la SPRL Troxquet-Lambert
Le 01.12.2017