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Lutte contre sa propre compagnie d'assurances



Jurisprudence

1.Les faits

Monsieur A. trouve le véhicule de ses rêves : une puissante voiture sportive et décapotable sur le marché de l’occasion au Grand Duché de Luxembourg.

Après avoir acheté le véhicule et en avoir payé le prix, il contacte son courtier habituel pour veiller à ce que le véhicule soit parfaitement assuré, tant en RC qu’en dégâts matériels (omnium).

Le courtier reçoit une copie de la facture et s’empresse de faire le nécessaire, tout en invitant Monsieur A. à passer à son bureau (distant de 30 kilomètres) pour présenter le véhicule.

Il est expliqué à Monsieur A. que vu que le prix du véhicule est inférieur à 50.000,00 €, le système d’antivol ne doit pas être un système VV2, mais peut être un système VV1.

Monsieur A. reçoit sa carte verte et roule avec son véhicule une huitaine de jours lorsque, dans l’immeuble où il habite, dans les garages en souterrain de l’immeuble, le véhicule sera volé.

Monsieur A. est réveillé par la police à l’aube et est immédiatement interrogé sur son emploi du temps.

Le véhicule est retrouvé à 2 kilomètres du domicile de Monsieur A., complètement détruit, les jeunes voleurs n’ayant pu maîtriser le véhicule.

Monsieur A. possède dans les mêmes garages un deuxième véhicule, véhicule de la société pour laquelle il travaille, dans lequel il avait laissé un trousseau de clés de son véhicule volé, trousseau de clefs enfermé dans un coffre séparant les deux banquettes du véhicule.

Aucune infraction n’est toutefois constatée sur le véhicule de fonction de Monsieur A.

Le sinistre est immédiatement déclaré au courtier avec une déclaration circonstanciée.


2.Attitude de la compagnie d’assurances  

La compagnie d’assurances va multiplier les arguments pour tenter d’échapper à ses obligations.

Elle va notamment développer les arguments suivants :

a) Il est nécessaire, selon la compagnie, d'attendre le dossier répressif car Monsieur A. pourrait être soupçonné d’avoir participé au vol (faudrait-il encore démontrer l’intérêt qu’il aurait eu à être victime de ce vol alors qu’il venait d’acquérir la voiture de ses rêves, vue par un courtier dans un excellent état !!!)

Le dossier répressif révèlera vite que Monsieur A., citoyen parfaitement honorable, n’est nullement mêlé ni de près, ni de loin au vol dont il a été victime.

b) la compagnie d’assurances a ensuite invoqué le fait que le véhicule aurait dû enréalité disposer d’une alarme de type VV1 et non pas de type VV2.

Ce nouvel argument est tout à fait contraire à ce que le courtier a expliqué à son client, mais la compagnie maintient sa position.

c) ensuite, la compagnie va invoquer un nouvel argument en estimant qu’en ayant laissé un trousseau de clés dans un autre véhicule pourtant fermé à clé, l’assuré aurait commis une négligence grave et même une faute qui permettrait à la compagnie de ne pas devoir intervenir.

Les enjeux sont évidemment importants, puisque l’indemnisation se chiffre sur base du contrat à une somme de 35.000,00 € après avoir revendu l’épave. 

 
3.  Réaction de l’assuré

Après avoir été soupçonné de malhonnêteté, ce qui n’est guère agréable pour un client dont la situation financière personnelle est confortable, le deuxième sentiment de l’assuré est évidemment que vu les montants en jeu, tout est mis en œuvre par la compagnie d’assurances pour ne pas payer plutôt que d’aider le client.

Enfin, un troisième sentiment domine dans la mesure où le courtier semble totalement impuissant à l’égard de ce qui apparaît à l’assuré comme une totale mauvaise foi dans le chef de la compagnie d’assurances. Monsieur A. prend alors la décision de consulter notre bureau d’avocats. 
 

4.Les cours et tribunaux  

La première réaction du cabinet d’avocats est de dénoncer auprès de la compagnie d’assurances la multiplication et parfois la contrariété dans les arguments développés.

Manifestement, certains arguments sont peu sérieux… d’autres apparaissent sérieux, mais s’avèrent non fondés.

a) Décision du Tribunal de Première Instance

Premier argument de la compagnie d'assurances :

Monsieur A. n'aurait pas respecté les exigences prévues au contrat quant au système d'alarme. La compagnie invoque ainsi une exclusion de la garantie souscrite par Monsieur A. Le Tribunal de première instance de VERVIERS fera fi dans son jugement de l'argument de la compagnie AXA puisqu'il estimera que la compagnie ne démontre pas que ces exigences quant au système d'alarme ont été portés réellement à la connaissance de Monsieur A. suffisamment tôt, soit avant le vol, alors qu'elle a elle-même apporté des éléments de confusion. Le Tribunal de première instance ne retiendra donc pas cette argumentation.

Deuxième argument de la compagnie d'assurances :

La compagnie d'assurances se prévaut ensuite de ce qu'une négligence aurait été commise par Monsieur A., négligence qui entrainerait automatiquement une exclusion de la garantie.

La compagnie d'assurances invoque d'une part le fait que le parking n'aurait pas été fermé de façon correcte et d'autre part le fait que l'assuré aurait laissé les clés de son véhicule à portée de main dans son véhicule de société.

Le Tribunal de première instance retiendra cette argumentation de la compagnie d'assurances, malgré l'argumentation développée par l'assuré.

Monsieur A., non heureux de cette décision indépendamment des montants qui ne lui seront pas payés mais aussi parce que ce qui est qualifié de négligence grave peut arriver à n'importe quel citoyen, même prudent : le fait de laisser des clés dans une voiture dans un endroit fermé (un coffre entre le siège conducteur et le siège passager) ce qui laisse toute impossibilité à des voleurs de pouvoir imaginer qu'il y aurait des clés de voiture qui se trouvaient dans le même garage dans le coffre du véhicule de société.

b) Décision de la Cour d’Appel

Par un arrêt particulièrement motivé examinant soigneusement les conditions légales auxquelles des compagnies d’assurances – dont les polices dont toujours divergentes – peuvent exclure la couverture de risques assurés, très heureusement la Cour d’Appel a fait une juste application des dispositions légales qui – faut-il le savoir – visent précisément à ne pas permettre aux compagnies d’assurances toutes puissantes et rompues à la technique juridique dans la rédaction de leurs contrats d’opposer à des assurés le plus souvent de bonne foi des clauses qui permettent aux compagnies d’échapper à leurs obligations.

Quant au premier argument développé par la compagnie d'assurances, la Cour d'Appel confirmera le jugement du Tribunal de première instance.

Quant au deuxième argument développé par la compagnie d'assurances, à savoir la négligence de l'assuré d'avoir laissé son trousseau de clés dans son véhicule de fonction, la Cour d'Appel a estimé que la compagnie d'assurances ne pouvait invoquer une clause d'exclusion de la garantie dès lors que comme elle a admis pour le premier argument développé par la compagnie d'assurances, les clauses du contrat n'ont pas été portées à la connaissance de l'assuré suffisamment tôt.

En plus des sommes et des intérêts à payer, la compagnie d’assurances a aussi été condamnée à payer une indemnité de procédure de 2.000,00 € couvrant partiellement les frais d’avocat conformément aux dispositions légales récentes.

CONCLUSION

L’interprétation des contrats par les compagnies d’assurances pour ne pas indemniser leurs assurés mérite d’être dans chaque cas examinée soigneusement et il ne faut pas se contenter des refus d’indemnisation opposés par des compagnies face à un assuré le plus souvent désemparé ou démuni… surtout que les circonstances d’un sinistre peuvent être particulièrement pénibles, notamment dans les assurances incendie.