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Le droit à l’image et les données personnelles sur internet



Une réalité virtuelle aux conséquences réelles

       A l’aube de la plongée du monde vers une utilisation généralisée des ressources numériques, il est fondamental de se préoccuper de l’impact que peut avoir l’utilisation des images ou des données sur le net. Vu la place prépondérante des réseaux sociaux dans notre quotidien, tels que Facebook ou Twitter, ou même des applications sur smartphone, à l’instar de Snapchat ou Instagram, ce basculement vers le virtuel ne fait qu’accentuer les besoins de clarté quant au cadre législatif applicable.

Si un sentiment d’impunité nous envahit généralement lorsque nous nous naviguons sur internet, pensant à tort pouvoir laisser les problèmes à distance par un simple « clic », il est de plus en plus fréquent que notre vie virtuelle prenne le pas sur notre vie privée. Une mise en garde s’impose.

 

  1. Un cadre légal clair mais méconnu

Le droit à l’image n’est pas un droit consacré comme tel par nos lois mais il demeure mis en œuvre dans différents textes légaux et réglementaires. Aujourd’hui, doctrine et jurisprudence s’accordent pour considérer que le droit à l’image n’est pas un droit de propriété, fusse-t-elle intellectuelle. Si le droit à l’image est consacré dans le code de droit économique, il ne peut néanmoins être qualifié ni de droit d’auteur, ni de droit voisin. Tandis que les droits intellectuels portent sur des prestations, le droit à l’image porte sur une personne.

En réalité, le droit à l’image se classe parmi les droits de la personnalité. Ce droit à l’image est souvent considéré comme un corollaire du droit au respect de la vie privée, garanti par notre constitution belge ainsi que par la Convention européenne des droits de l’homme.

Le droit à l’image n’est pas seulement protégé par nos normes supérieures de manière statique, il existe également une protection relative à l’usage qui en est fait.  Le droit à l’image constitue également une donnée personnelle, conformément à la loi de 1992 et au nouveau règlement européen sur l’utilisation des données personnelles, le fameux « RGPD ». Une « donnée à caractère personnel » est en réalité toute information à partir de laquelle une personne physique peut être identifiée (ou est à tout le moins identifiable), directement ou indirectement. Il s’agit d’un ou plusieurs éléments spécifiques propres à l’identité physique d’une personne, ce qui inclut bien évidemment son image. A cet égard, toute personne qui souhaiterait réaliser un « traitement » de vos images ou données devra répondre aux obligations prévues dans ledit règlement, et principalement définir la finalité dans laquelle le traitement est opéré. Vos droits relatifs à vos images sont clairement énoncés dans ce nouveau règlement, parmi lesquels vous retrouverez principalement un droit à vous opposer à la prise de vos images ainsi que la possibilité de solliciter de la personne qui les utilisent leur effacement.

La Commission pour la protection de la vie privée n’est autre que l’institution chargée de veiller à la licéité du traitement de vos données personnelles. Celle-ci précise que la prise d'une image et l'utilisation (ultérieure) de cette image sont soumises au consentement de la personne concernée. Le consentement doit être double. La personne doit consentir pour la prise de vue mais également pour la diffusion de l’image. Ce n’est donc pas parce qu’une personne a consenti à ce qu’on la prenne en photo qu’elle a aussi consenti à sa diffusion. Le consentement peut être tacite mais doit être à tout le moins spécifique, ce qui signifie qu’il doit être donné pour une utilisation précise de l’image en question. Ce n’est donc pas parce qu’une personne a consenti à la diffusion de son image dans un certain contexte que celle-ci peut être utilisée/diffusée dans un cadre différent.

Le consentement n’est pour autant pas toujours requis. C’est le cas notamment des photos de lieux publics, ou lorsque la personne se retrouve sur un cliché pris d’un évènement public. Le droit à l’information et le droit à la liberté de la presse permettent souvent de contrebalancer le droit au respect de la vie privée, à tout le moins quand les journalistes utilisent vos images dans un but exclusif d’information. Tout est en définitive question de finalité, notion que l’on retrouve dans ce nouveau règlement européen.

 

  1. Application de conditions particulières d’utilisation

Les sites web et les applications d’envergure possèdent généralement leurs propres conditions d’utilisation, auxquelles vous adhérez bien souvent sans prendre connaissance du contenu. Et parmi celles-ci, de nombreuses clauses peuvent vous laisser perplexe quant à l’utilisation de vos données.

En utilisant le réseau social Facebook, vous acceptez en réalité d’accorder une licence non exclusive, transférable, sous-licenciable, sans redevance et mondiale pour l’utilisation des contenus de propriété intellectuelle que vous publiez sur Facebook ou en relation avec Facebook. Si les photos et vidéos que vous publiez sur le réseau social restent votre propriété, il est néanmoins permis à Facebook de les utiliser gratuitement, grâce au mécanisme de licence mis en place. Et la suppression manuelle du continu ne vous délivrera pas puisque les contenus supprimés peuvent persister dans des copies de sauvegarde pendant un certain temps sans pour autant être disponibles par les auteurs ou utilisateurs.

Outre cette licence, Facebook possède une politique plutôt exhaustive de l’utilisation de vos données. Même si Facebook justifie la récupération de vos données à des fins d’améliorer vos services et votre sécurité, de nombreuses données peuvent ainsi être récoltées sans même que vous n’y prêtiez attention. C’est notamment le cas des informations sur vos activités, sur celles de vos proches, vos réseaux de contacts, mais également des informations relatives aux paiements ou sur vos appareils avec lesquels vous vous connectez sur le site. Facebook est également libre de transférer vos données aux applications présentes sur son réseau (quizz, jeux, tests, questionnaires, etc).

Instagram et Snapachat n’y vont pas de main morte non plus : leurs conditions d’application respectives prévoient également qu’une licence leur est accordée au regard des contenus (photos ou autres) que vous publierez via ces applications. Pour Snapchat, le droit à l’image est de rigueur même si la diffusion de l’image est limitée (maximum 10 secondes pour un simple contenu ou 24h dans le cadre d’une « story ») ; les captures d’écran y sont en effet fréquentes, ainsi que l’utilisation d’applications voisines, notamment « Snapsave », permettant à vos contacts d’enregistrer à votre insu les photos que vous leur transmettez.

 

  1. Cas spécifique de Facebook

 

  1. Comment éviter ou limiter la récupération de vos données ?

Il existe avant tout des solutions techniques. Sur Facebook, il vous est loisible de paramétrer de manière adéquate vos critères de confidentialité, les modes « public », « amis », ou « personnel » étant les plus répandus. Lorsque vous publiez du contenu ou des informations avec le paramètre Public par exemple, cela signifie que vous permettez à tout le monde, y compris aux personnes qui n’utilisent pas Facebook, d’accéder à ces informations et de les utiliser, mais aussi de les associer à vous (c’est-à-dire votre nom et votre photo de profil). On relie de cette manière le contenu que vous publiez à vos données personnelles. Ceci n’est pas moins qu’une reconnaissance de votre part d’un consentement implicite relatif au contenu que vous viendrez à publier sur votre « mur ».  Ce qui signifie également que vous êtes susceptible d’engager votre responsabilité dans le cas où le contenu posté enfreindrait diverses lois de protection intellectuelle. On ne saurait donc mieux vous conseiller de faire attention à vos paramètres et de privilégier des paramétrages de confidentialité plus stricts (vous pouvez en effet réaliser des accès totalement personnalisés), si vous voulez être certain que votre consentement d’utilisation de ces contenus ou images ne puissent être présumé de la sorte.

Concernant l’utilisation de vos données personnelles, on ne saurait que trop vous recommander de gérer les contenus et les informations que vous partagez lorsque vous utilisez Facebook à l’aide de l’outil Historique personnel. Ceci vous permettra d’interagir en quelque sorte avec Facebook et de demander la suppression de vos publications passées ou même des actions que vous avez réalisées par l’entremise du réseau social.

 

  1. Publication de contenu sur Facebook – mode d’emploi

Lorsque vous publiez du contenu :

- Assurez-vous, si un tiers apparaît sur la photo, que vous avez obtenu son consentement explicite au regard de ladite publication et que vous êtes à même d’en rapporter la preuve.

- De manière générale, qu’il s’agisse d’une photo d’un tiers ou de vous-même, veillez à bien paramétrer les critères de confidentialité afin d’être certain de l’étendue donnée à la publication-même.

- Si vous vous rendez compte que le contenu partagé n’est pas adéquat ou a été effectué en contravention des droits d’un tiers, il faudra veiller à supprimer le contenu en utilisant votre historique personnel pour identifier le contenu préjudiciable.

- Solution radicale et tout aussi efficace, la suppression de votre compte facebook permettra également de mettre fin à ladite licence et de vous assurer que vous n’êtes pas en infraction aux droits de propriété intellectuelle d’autrui. Attention néanmoins de ne pas confondre la suppression du compte avec sa désactivation : cette dernière manipulation ne fait pas obstacle au contenu puisque la réactivation du compte permet de retrouver l’ensemble de vos contenus.

 

Si à l’inverse, vous êtes visé par une publication réalisée par un tiers sans y avoir consenti :

- Demandez à la personne de retirer la photo via un message privé.

- Si la personne ne donne pas suite à cette demande, il est possible de solliciter le retrait de la photo/vidéo contestée. Facebook a par exemple mis en place un formulaire pour signaler la violation des droits de ces usagers.

- Si cela s’avérait inefficace, il est toujours possible de signaler ces abus à la Commission de la vie privée, qui est l’institution de référence en Belgique relative au traitement des données personnelles

- En dernier recours, il vous est loisible de saisir les tribunaux civils pour réclamer réparation du préjudice subi.

Des sanctions pénales sont également envisageables. Notons que le voyeurisme (c'est-à-dire un comportement basé sur l'attirance à épier autrui à son insu dans l'intimité) est puni par le code pénal, mais également par la loi sur le traitement des données personnelles.

 

  1. En conclusion

 

En conséquence des présents développements, nous ne saurions que trop vous recommander d’être prudents et diligents quant à l’utilisation quotidienne des réseaux sociaux. La quantité de contenu que nous sommes tous amenés à partager sur ces réseaux fait qu’il est pratiquement impossible de s’assurer du respect total et permanent des règles applicables en la matière. D’autant que celles-ci sont généralement méconnues des utilisateurs. Afin de pouvoir naviguer de manière adéquate sur ces réseaux sociaux, il est au préalable recommandé de comprendre l’aspect juridique mais également technique de ceux-ci. Même si le travail apparaît fastidieux, il permettra sans aucun doute d’éviter de lourdes conséquences.

En cas de doute ou en cas de litige relatif à l’utilisation des réseaux sociaux ou applications, n’hésitez pas à nous contacter afin d’obtenir un avis circonstancié ou une défense sur mesure.

 

                                                                                                                                             Février 2019

                                                                                                     Pour la SPRL TROXOQUET-LAMBERT                                                                                                        Jonas MATHIEU