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L’accès à la boite mail professionnelle du travail et licenciement pour motif grave



La problématique de l’accès aux données informatiques utilisées par le travailleur

A l’heure de la digitalisation, la problématique de l’accès aux données informatiques utilisées par le travailleur est de nature à entrer en conflit avec le droit à la vie privée.

La question se cristallise généralement dans la pratique autour de la question de l’accès à la boite mail professionnelle du travailleur.

La Cour Européenne des Droits de L’Homme a déjà estimé que les communications d’un travailleur sur son lieu de travail étaient couvertes par la notion de vie privée et de correspondance. En vertu de cette jurisprudence, l’état belge est tenu de ménager un juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée du travailleur et d’autre part le droit de l’employeur d’assurer le bon fonctionnement de son entreprise.

Dans un arrêt du 13 septembre 2017, la Cour du Travail de Liège s’est penchée sur la question dans le cadre d’un licenciement pour motif grave.

Le cas d’espèce était le suivant.

Alors que le travailleur était en période de congés, l’employeur se rend sur la boite mail professionnelle du travailleur pour récupérer un mail de nature professionnelle.

L’employeur y découvre, par la même occasion, un courriel dans lequel ce dernier est traité de « gros C… » par le travailleur.

L’intéressé est sur cette base licencié pour motif grave.

Celui-ci conteste la décision de l’employeur en invoquant notamment les règles protectrices de la vie privée prescrites notamment par l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et par la Convention Collective de Travail n° 81.

La Cour du Travail relève d’emblée que, ni le contrat de travail, ni le règlement de travail n’interdisaient au travailleur l’utilisation privée des moyens de communication électronique et donc de sa boite mail.

Partant de ce postulat, la Cour du Travail estime que la fouille minutieuse organisée par l’employeur dans les courriels privés du travailleur constitue une ingérence disproportionnée par rapport au droit au respect de la vie privée confronté aux droits de l’employeur :

« Cette persistante, discrétionnaire et indiscrète de l’employeur ne peut être justifiée par l’intérêt économique puisqu’il était d’emblée évident que les courriels privés lus étaient sans rapport aucun avec l’objectif économique, pour autant que celui-ci existait. »

En conséquence, la Cour déclare le recours formalisé par le travailleur comme étant fondé et écarte le motif grave invoqué par l’employeur.

Cette décision revêt une importance certaine à l’époque de l’avènement de la correspondance électronique et de son implication dans la relation de travail.

Un employeur avisé sur la question veillera précisément à examiner le libellé de son règlement de travail encadrant l’utilisation de la messagerie électronique. Le travailleur prévoyant veillera, quant à lui, à examiner minutieusement avant son engagement le règlement de travail de l’entreprise…

                                                                                          

02 avril 2019

Pour la Sprl TREOXQUET & LAMBERT

Pierre LEGRAS