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Coronavirus – le confinement est-il (il)légal ?



Les infractions aux mesures prises visant les limitations des déplacements, l’interdiction des rassemblements et la distanciation sociale peuvent-elles vraiment entrainer des sanctions pénales ?

La question posée est plus que d’actualité et a déjà quelque peu défrayé la chronique.

 

Les premiers dossiers visant essentiellement des infractions commises durant le premier confinement commencent à être soumis aux tribunaux et leur réponse est intéressante concernant la recevabilité des poursuites pénales.

 

L’hypothèse est donc la suivante ;

 

  • Vous avez été verbalisé par les forces de l’ordre en raison d’un comportement qu’elles considèrent comme contraire aux mesures prises par l’arrêté ministériel du 23.03.2020 limitant, par exemple, les rassemblements.

 

  • Une perception immédiate (amende de 250 euros) vous a été adressée.

 

  • Vous avez refusé de payer celle-ci et vous êtes désormais poursuivi devant le Tribunal de Police, à la requête de Monsieur le Procureur du Roi lequel requiert qu’un jugement de condamnation soit prononcé à votre encontre.

 

 

La précipitation et l’urgence qui a guidé l’adoption de diverses mesures et plus particulièrement l’adoption de certains arrêtés ministériels visant à limiter la propagation du coronavirus entraine une question juridique de taille qui peut être vulgarisée comme suit ;

 

> Ces arrêtés interdisant une série de comportements sont-ils (il)légaux ?

 

> Peut-on condamner pénalement une personne pour ne pas avoir respecté les mesures prises visant à interdire ou limiter certains déplacements, à interdire certains rassemblements et à limiter la distanciation sociale ?

 

 

Indépendamment de la question de savoir si la crise sanitaire actuelle justifie ou non que de telles mesures restrictives de nos libertés soient prises (question qui n’est pas visée par la présente contribution) la question de la légalité de ces interdictions est clairement posée.

 

 

En effet, l’arrêté ministériel du 23.03.2020 interdit notamment les rassemblements en son article 5 et limite les déplacements en son article 8.

 

L'article 10 §1er de cet arrêté ministériel précise que ;

 

 « Les infractions aux dispositions des articles 1er, 5 et 8 sont sanctionnées par les peines prévues à l'article 187 de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile ».

 

L’article 187 permet cependant de sanctionner : « le non-respect des mesures de réquisition ou d'évacuation » …

 

Or, ceci est sensiblement différent des interdictions reprises aux articles 5 et 8 de l’arrêté ministériel du 23.03.2020 !

 

> Faut-il considérer dès lors que les poursuites pénales seraient irrecevables ?

 

C’est cette question qui est actuellement soumises aux juridictions.

 

Et le Tribunal de Police de Charleroi a notamment prononcé un jugement très argumenté le 21.09.2020 publié le 06.11.2020 qui dit pour droit que ;

 

« La limitation des libertés et droits les plus fondamentaux est soumise dans presque tous les cas à un principe de légalité et nécessite dès lors toujours une intervention spécifique du législateur. Même s'il peut être admis que ces limitations de droits fondamentaux, eu égard à leur nature, ne doivent pas être fixées de manière très précise par le législateur lui-même, elles doivent pouvoir reposer sur une délégation du législateur au Roi définie de manière suffisamment précise et suffisamment encadrée. Une simple délégation générale n'est donc pas suffisante ; des délégations expresses et spécifiques sont nécessaires.

 

Si l'article 182 de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile confie au Roi le pouvoir d'arrêter des mesures d'interdiction de déplacement ou de mouvement de la population lorsque des circonstances dangereuses le justifient, ce pouvoir est limité au but poursuivi, à savoir faciliter les opérations de secours de la population. Il ne s'agit en aucun cas d'interdire tout déplacement ou mouvement de la population, ou certains d'entre eux. »

 

Partant, ce texte ne peut habiliter le gouvernement à sanctionner pénalement des mesures de police générale tendant à interdire un certain nombre de rassemblements, à limiter les déplacements et à imposer une distance physique entre les individus dans le cadre de la crise sanitaire du coronavirus Covid-19. Sans que ce constat invalide l'arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19, il rend cependant irrecevable les poursuites pénales engagées contre ceux qui ne les ont pas respectées.

 

Cette décision s’impose-t-elle à tous ?

 

Non, il s’agit d’une décision de jurisprudence, qui ne lie donc pas les autres tribunaux, mais qui constitue un exemple bien inspirant.

 

Pour ce qui est des autres juridictions, et notamment le Tribunal de Police de Verviers, les jugements sont attendus prochainement, mais sachez dès à présent qu’il existe des arguments sérieux permettant de contester les poursuites qui seraient introduites à votre égard…

 

Notons également que le ministère public a interjeté appel du jugement du Tribunal de Police de Charleroi.

 

Affaire à suivre !

 

 

Pour la SPRL TROXQUET-LAMBERT

Lora MERAHI